Wednesday 19 January 2011

Arthur Rimbaud - Roman [Novel]

I
On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
- On va sous les tilleuls verts de la promenade.

Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !
L'air est parfois si doux, qu'on ferme la paupière ;
Le vent chargé de bruits - la ville n'est pas loin -
A des parfums de vigne et des parfums de bière...

II
-Voilà qu'on aperçoit un tout petit chiffon
D'azur sombre, encadré d'une petite branche,
Piqué d'une mauvaise étoile, qui se fond
Avec de doux frissons, petite et toute blanche...

Nuit de juin ! Dix-sept ans ! - On se laisse griser.
La sève est du champagne et vous monte à la tête ...
On divague ; on se sent aux lèvres un baiser
Qui palpite là, comme une petite bête ...

III
Le coeur fou Robinsonne à travers les romans,
Lorsque, dans la clarté d'un pâle réverbère,
Passe une demoiselle aux petits airs charmants,
Sous l'ombre du faux col effrayant de son père ...

Et, comme elle vous trouve immensément naïf,
Tout en faisant trotter ses petites bottines,
Elle se tourne, alerte et d'un mouvement vif ...
- Sur vos lèvres alors meurent les cavatines ...

IV
Vous êtes amoureux. Loué jusqu'au mois d'août.
Vous êtes amoureux. - Vos sonnets La font rire.
Tous vos amis s'en vont, vous êtes mauvais goût.
- Puis l'adorée, un soir, a daigné vous écrire !...

- Ce soir-là,... - vous rentrez aux cafés éclatants,
Vous demandez des bocks ou de la limonade...
- On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans
Et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade.

~

I.

No one's serious at seventeen.
--On beautiful nights when beer and lemonade
And loud, blinding cafés are the last thing you need
--You stroll beneath green lindens on the promenade.

Lindens smell fine on fine June nights!
Sometimes the air is so sweet that you close your eyes;
The wind brings sounds--the town is near--
And carries scents of vineyards and beer. . .

II.

--Over there, framed by a branch
You can see a little patch of dark blue
Stung by a sinister star that fades
With faint quiverings, so small and white. . .

June nights! Seventeen!--Drink it in.
Sap is champagne, it goes to your head. . .
The mind wanders, you feel a kiss
On your lips, quivering like a living thing. . .

III.

The wild heart Crusoes through a thousand novels
--And when a young girl walks alluringly
Through a streetlamp's pale light, beneath the ominous shadow
Of her father's starched collar. . .

Because as she passes by, boot heels tapping,
She turns on a dime, eyes wide,
Finding you too sweet to resist. . .
--And cavatinas die on your lips.

IV.

You're in love. Off the market till August.
You're in love.--Your sonnets make Her laugh.
Your friends are gone, you're bad news.
--Then, one night, your beloved, writes. . .!

That night. . .you return to the blinding cafés;
You order beer or lemonade. . .
--No one's serious at seventeen
When lindens line the promenade.

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